Journée « La philosophie ventriloque »

La philosophie ventriloque - Faire de l'histoire de la philosophie aujourd'hui


Mercredi 14 février 2018 - 9h/18h

Fac. de Lettres - Site Schuman - Bât. Multimédia - Salle de colloque 2

Intervenants : Delphine Antoine-Mahut, Max Marcuzzi, Baptiste Mélès, Lucie Mercier, Xavier Payet et Jack Stetter

Organisation : Valérie Debuiche



Au Centre Gilles Gaston Granger, depuis plusieurs années, est défendue une politique scientifique qui considère comme nécessaire que l’épistémologie comparative, qui est sa marque, s’appuie sur les deux piliers de l’histoire des sciences et de l’histoire de la philosophie. Fidèle à l’héritage de Granger, le centre favorise le dialogue entre les disciplines dans le souci des conditions historiques de l’énonciation des doctrines et de l’émergence des concepts. Aux côtés des épistémologues, les historiens des sciences ont naturellement trouvé leur place. Se joignent désormais à eux les historiens de la philosophie antique, médiévale, classique et moderne.
La nature comparative de la méthode promue et sa visée épistémologique engagent les historiens de la philosophie du centre à s’interroger sur leur propre discipline : Que cherche l’historien de la philosophie ? Quel est son objet ? Quelle est sa méthode ? De quelle manière aborde-t-il le dialogue avec les autres disciplines ? Les images d’un érudit penché sur les manuscrits poussiéreux d’un temps révolu, d’un lecteur replié sur les subtilités toujours réinterrogées d’une œuvre maintes fois parcourue, ou encore d’un herméneute cantonné aux limites imperméables de l’analyse internaliste d’un texte, semblent s’opposer à deux prétentions. La première est celle de la possibilité pour l’historien de la philosophie d’entrer dans une approche comparative avec les autres disciplines. La seconde est celle de l’actualité d’une recherche qui ne se tourne que vers des auteurs du passé.
Les savants universels offrent à ceux qui les étudient un lieu naturel où croiser les disciplines : à l’historien de la philosophie qui étudie la pensée d’Aristote, de Descartes, de Newton, de Leibniz, ou encore de Gödel, de Poincaré, de Weyl, la comparaison de la philosophie et de la science vient avec son objet. Quand la recherche est occupée à la connaissance, à la cosmologie, à la logique, cette comparaison devient même nécessaire.
Cependant, en comprenant que l’histoire de la philosophie est utile aux autres disciplines et en lui reconnaissant volontiers cette place, on lui fait une grâce qui est loin d’être un privilège. On lui concède un intérêt tout en la laissant paraître une discipline quelque peu fossilisée, prise dans des gimmicks philologiques, éditoriaux, analytiques confinant parfois à l’ésotérisme, toute à la redite infinie de thèses ressassées jusqu’à l’envi : une « philosophie ventriloque » [1] en quelque sorte, voire un psittacisme savant, dont on ne peut tirer usage qu’en dehors d’elle.
L’objectif de cette journée est d’initier une réflexion collective sur la méthode scientifique employée en histoire de la philosophie, en particulier quand elle doit converser avec les autres disciplines. Il est aussi d’intégrer la philosophie et son histoire dans le champ des disciplines dont le centre Gilles Gaston Granger étudie l’épistémologie.
En effet, le geste de l’historien de la philosophie n’est jamais neutre ni objectif. Il se situe toujours entre deux extrêmes : une approche strictement internaliste, philologique quand cela est requis, d’un texte toujours pris dans les limites historiques de son énonciation, et une appréhension des œuvres comme systèmes en soi, indifférents aux circonstances de leur production, en droit transposables en tout lieu de la pensée. Nul historien de la philosophe qui n’emprunte aux deux voies. Nulle histoire de la philosophie qui ne soit pas elle-même une pratique dans un ici et un maintenant. Expliciter les choix méthodologiques de l’historien de la philosophie éclaire la philosophie elle-même dont la méthode est l’instrument. Dans le même temps, si cette dernière révèle ce qu’elle est, il sera plus facile à l’historien de la philosophie, non seulement de dialoguer, mais également de produire de nouveaux savoirs avec les autres chercheurs des autres disciplines, et en particulier avec ceux l’histoire des sciences dont la méthode pourrait être questionnée selon les deux mêmes alternatives de l’approche scrupuleusement internaliste et de l’appréhension systémique.
Cette journée s’adresse aux chercheurs du Centre Granger et à leurs étudiants de Master et de doctorat, comme occasion d’une rencontre scientifique et spécifique entre les historiens de la philosophie recrutés ces dernières années, les épistémologues, les historiens des sciences et les scientifiques qui, de plus en plus nombreux, s’associent au centre. En second lieu, nous souhaiterions convier les enseignants de philosophie du secondaire et des classes préparatoires aux grandes écoles qui, souvent, ont été formés à l’histoire de la philosophie qui constitue une part importante des épreuves des concours de l’enseignement.

Programme :

9h – Introduction par Xavier Payet : « L’histoire de la philosophie et sa langue véhiculaire »

9h30 – Baptiste Mélès : « Structures et morphismes en histoire de la philosophie »
10h45 – Delphine Antoine-Mahut : « Mort et vie de l’histoire de la philosophie. Actualité de Victor Cousin »

12h – Pause déjeuner

13h30 – Max Marcuzzi : « Où et comment se détermine l’objet de l’histoire de la philosophie »
14h45 – Lucie Mercier : « Structuralisme et histoire archéologique : Serres et Foucault à Clermont-Ferrand »

16h – Pause café

16h30 – Jack Stetter : « L’état de la méthode exégétique en histoire de la philosophie moderne dans les pays anglophones : le cas Spinoza »

17h45 – Clôture de la journée

[11 Selon l’expression de Xavier Payet (doctorant au Centre Gilles Gaston Granger sous la direction d’Isabelle Koch) née de son travail de thèse sur les signes de l’émergence dans la période antique d’une histoire de la philosophie distincte de la doxographie.

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